TRIORA UN VILLAGE POUR SE FAIRE PEUR (1)

A partir d'Arma di Taggia et son pont romain, je prends la direction de Triora dans la vallée de l'Argentina

Ma première visite à Triora remonte à bien des années en arrière, il y a plus de 25 ans, un jour d’autome. J’en conservais le souvenir d’un village sombre, humide et désert. L’histoire de Triora est tragique à plus d'un titre.

Le vieux pont de Badalucco en dos d'âne comme on en voit beaucoup dans la région 

 Au XVIe siècle, Triora est situé sur un axe reliant l’opulente Gènes à la Suisse, la Prusse via Turin. Vers 1585, l’Inquisition soupçonna Triora d’être un lieu de passage ou un refuge pour les hérétiques et autres excommuniés en fuite vers la protestante et tolérante Europe du Nord.

Le village de Montalto Ligure

Le tout sur fond de disette habilement orchestrée par deux riches familles de Triora, les Borelli et les Faraldi. Les premières accusations se portèrent sur Franchetta Borelli, une femme riche, enviée ayant la réputation d’avoir eu une vie légère dans sa jeunesse.

Un chanoine Faraldi fut aussi soupçonné de fabriquer de la fausse monnaie. Selon les paysans les sorcières étaient à l’origine des mauvaises récoltes. La terrible machine inquisitrice va se mettre en marche. 200 femmes furent passées à la question.

La vallée de l'Argentina et ses forets d'oliviers

En mai 1588, l’inquisiteur dominicain Alberto Fragarola arriva à Triora, bientôt suivi du commissaire spécial de l’Inquisition Giulo Scribani bien décidé à en finir avec ce nid de sorcières. Entre-temps 33 furent convaincues de sorcellerie et 13 femmes succombèrent à la torture.

Les restanques d'oliviers des olives taggiasches (cailletier) la meilleure olive du monde 

L’Inquisiteur se justifia et assura que « le feu mis sous les pieds n’avait pas dépassé le temps maximum d’une heure » et concluait que « toutes les femmes avaient été assez bien traitées, aux frais de la communauté, et que les tourments n’avaient pas excédé la règle : si quelqu’une pensait avoir subi un tort, parce qu’estropiée ou brûlée dans les supplices, ceci était dû aux mauvais soins des médecins ou de la famille reçus après l’interrogatoire ».

Le Parc des Alpes Ligures: Parco Alpi Liguri

La majorité d’entre-elles pratiquaient la médecine traditionnelle et l’herboristerie. L’affaire se calme lorsque le risque que ces femmes adoptent la religion protestante est éloigné. Les hommes, craignant de voir leur activité de faux monnayeur découverte ont aussi commencé à réagir contre les excès de l’Inquisition, d’autant que les frais d’inquisition étaient supportés par les familles.

L'arrivée à Triora

Enfin le pape met fin au zèle de Giulo Scribani de peur de voir la province se soulever. Le martyr de Triora recommença les 2 et 3 juillet 1944 lorsque les Allemands mirent le feu à la ville détruisant des quartiers entiers.

Les carruggi de Triora ... de nuit cela doit etre éffrayant !

Aujourd’hui la municipalité a bien valorisé Triora. A l’extrémité sud subsistent toujours "La Cabotina", quelques cabanes où les sorcières se réunissaient. Un mannequin, un chaudron et quelques bocaux évoquent le passé du village.

Les portes de schiste noir de Triora et ses magnifiques linteaux 

En visitant ces cabanes, je songe aux drames dont ces murs ont été témoins, aux habitants terrorisés, à leur fuite dans le village, aux cris et aux pleurs et, qui sais, au bûcher dressé sur la place de l’église.

Triora la médiévale

L'altitude de 780 mètres donne à Triora un climat de montagne avec des amplitudes diurnes accentuées, malgré la relative proximité de la côte. Le froid hivernal par contre n'est jamais excessif.

La collegiale de l'Assunta

En 1267, le village prête allégeance à la République de Gênes ce qui lui apporte beaucoup sur le plan de son développement. À la suite de la chute de la République de Gênes en 1797, et au moment de l'institution de la République ligurienne par Napoleon Bonaparte, Triora devient chef-lieu cantonal de la juridiction dite « des Oliviers », et en 1805 une partie intégrante du département "français" des Alpes Maritimes.

Triora dans l'ancien comté de Nice royaume de Sardaigne.... aujourd'hui italien.

En 1814 le congrée de Vienne décide du rattachement de l'ancienne République de Gênes au royaume de Sardaigne et devient un division administrative du comté de Nice jusqu'en 1860 puis au chef lieu de Porto Mauricio avant de devenir royaume d’Italie en 1861.

La collegiale baroque

Au cours de la Seconde Guerre mondiale la commune est victime de la fureur nazie les 2 et 3 juillet 1944, quand le bourg est incendié et des quartiers entiers détruits, en causant un dépeuplement soudain des habitants, déportés de la même manière que les habitants de la vallée de la Roya vers Torino (Turin).

Les ruelles de Triora

On peut encore voir des vestiges de ces exactions dans les rues du village, notamment sous les voûtes brûlées des ruelles qui descendent vers le bas du bourg. Le village est presque resté dans son jus sur la partie haute.

En 1947, les frontières communales sont redéssinées à  nouveau avec l'absorption des hameaux de Realdo et Verdeggia qui appartenaient à  la commune de La Brigue, rattachée à  la France. Des frères et des soeurs, des parents et des enfants sont séparés par l’administration totalitaire française De de Gaulle ce général dictateur que les alliés ont ensuite écarté des négociations.

La grotte de Notre Dame de Lourdes de Triora

Comme à la Brigue, on trouve à Triora des linteaux, ou des architraves ornés en son centre de l’Agneau de Dieu ou Agnus Dei tenu par des anges. C’est une représentation, très stylisée, mais courante en Ligurie. Ils permettent de soutenir le dessus de la porte.

A Triora de nombreuses maisons en possèdent d’abondamment décorés. On y retrouve des sculptures en bas-relief, parfois accompagnées de textes aussi en bas-relief ou incisés dans la pierre. Ces linteaux armoriés des XVe et XVIe siècle sont l’un des trésors de la commune.

Un enchevêtrement de ruelles sur plusieurs niveaux 

Placés au dessus de l'entrée des maisons. Ils sont ornés généralement de symboles religieux et philosophiques, des blasons des familles nobles, agrémentés parfois de formules de protection ou de sentences morales. Les linteaux décorés de motifs religieux (chrisme, INRI, Agnus Dei, etc...), ceux décorés d'armoiries et d'initiales des familles les ayant fait poser, et enfin ceux portant des phrases d'ordre moral ou religieux.

La ruelle qui va à la Cabotina

Parfois les trois styles cohabitent sur un même linteau. La pratique des linteaux est courante dans la vallée de la Roya, et dans la vallée de l’Argentina. Constitués en pierre de schiste noire de la région, ils ont souvent le monogramme I.H.S qui est traduit par Jésus sauveur des hommes gravé dessus.

En face, le village de Corte....celui de ligurie et pas celui de Corse bien sur !

Là encore, c’est en déambulant dans le village que vous pourrez le mieux apprécier la découverte de ces trésors ! C’est un village pittoresque dans un cadre charmant de vallées boisées dans les collines Ligures du nord-ouest de l’Italie.

Ancienne cabane d'une sorcière  

Triora est officiellement classé parmi Les Plus Beaux Bourgs d’Italie, a obtenu la reconnaissance du drapeau orange. Le village vaut vraiment le détour à tout moment de l’année.

En bas, le village de Molina di Triora ou se passe la sagra della lumaca (la fete de l'escargot)

L’atmosphère dans le village me donne immédiatement beaucoup d’émotions et de sensations fortes. Je marche dans des ruelles étroites, sombres et résolument lugubres, parfaitement en harmonie avec l’atmosphère magique traditionnellement associée au lieu.

Triora, le cimetière sur la butte à droite

Dans certaines de ces allées, même en plein jour, il semble déjà nuit. Avant de marcher dans les ruelles étroites du village, je reprends mon chemin pour rejoindre la petite église de campagne dédiée à San Bernardino, datant du XVe siècle.

Les portes médiévales du village

Un portique en pierre rustique avec trois arches avec des colonnes et des chapiteaux me mène à l’intérieur où je peux admirer les fresques de la Renaissance du Jugement dernier.

Ce petit détour donnera encore plus de mystère à ma visite. Le village dispose d’un impressionnant patrimoine culturel et artistique, y compris l’église de Santa Maria Assunta et l’Oratoire de Saint Jean le Baptiste, qui tous les deux valent le détour.

Des ruelles souterraines ou seul des brouettes à chenille passent en hiver

L’église collégiale de Triora, datant du 16ème siècle, a été entièrement rénové au fin du 18e siècle. À l’intérieur ils sont des remarquables oeuvres d’art, parmi lesquelles une peinture sur bois par le peintre Siennois Taddeo di Bartolo et le grand tableau de « Le baptême du Christ » . À proximité de l’église paroissiale est la chapelle de Saint Jean le Baptiste. Dans cette petite chapelle il y des célèbre sculptures et un beau crucifix en bois.

                                                                  DIAPORAMA TRIORA